L’entre deux
MÔIPPEN MAMA ! est le premier film de Cécile Friedmann.
SYNOPSIS:
La réalisatrice filme avec une caméra subjective un voyage au Japon qu’elle entreprend en 2013 avec sa mère japonaise. De Kôbe aux lieux sinistrés du Tsunami de mars 2011, en passant par la maison de l’écrivain Natsume Sôseki, on découvre cette mère poétique et leur lien complexe.
Peu à peu, c’est un portrait de deux in between qui se dessine.
Grâce aux films d’archives tournés au Japon par le grand-père, la question transgénérationnelle affleure, liée elle aussi à la catastrophe. Ce voyage à travers le Japon est aussi un voyage initiatique à travers le temps, une confrontation intime avec l’impermanence des choses: le Mujô.
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IN ENGLISH
Filming in subjective camera, the author follows her japanese mother on a trip to Japan in 2013. From Kôbe to the areas affected by the March 2011 tsunami and the house of writer Natsume Sôseki, we discover a poetic mother, and the complex relationship between the two.
Gradually, emerges a portrait of two « in between »
With the archive films shot In Japan by the grandfather between 1931 and 1940, the transgenerational question arises, with its connection to the disaster too.
This travel through the country is also an initiation trip through time, an intimate confrontation with the impermanence of things. the Mujô.
Film type: Documentaire de création / Creative documentary
Durée: 62 minutes
Format de tournage: HD
Couleur: Couleur & Noir et blanc / Color & Black and white
Format de diffusion: DCP 2K, 5.1
Pays de production: France
Langues: Japonais, Français
Sous-titres: Français, Anglais, Japonais, Espagnol
En janvier 1995, lors du tremblement de terre de Kôbe, notre maison familiale s’est écroulée. A 10 ans, j’étais alors trop jeune pour me rendre sur place avec ma mère.
En 2011, lorsque l’information de la triple catastrophe dans l’est du Japon m’est parvenue, je n’ai cessé de repenser à notre ancienne maison en ayant la sensation que ce qui constituait mon identité japonaise était en train de disparaître.
J’ai ressenti l’urgence de me rendre sur les lieux et de rapporter un documentaire photographique. Le désir de faire un portrait des japonais et de témoigner du silence profond qui régnait dans ce pays est né. La vie avait repris dans ce décor de ruine. J’ai cherché à montrer cette douceur étrange, celle de l’impermanence des choses qui porte au Japon le nom de Mujô. Cette notion est au cœur de mon film.
Je l’ai retrouvée également dans les films de mon grand père qui impressionnait sur ces bobines les fêtes traditionnelles, les fleurs, les temples qu’il visitait avec sa famille, la gaité de la vie sur fond de catastrophe, puisqu’il filme aussi la destruction de Kôbe suite à la grande crue de 1938.
Par ailleurs, dans les nombreux témoignages sur ces évènements, il s’agissait souvent de ceux de japonais vivant sur place ou à l’étranger, ou bien encore d’étrangers s’intéressant au sujet, mais je n’étais encore jamais tombée sur celui de in between. Le terme in between désigne des personnes qui se situent entre deux états. Cela peut être d’un point de vue géographique, socio-économique, du genre, de la sexualité etc. Il s’agit aussi de toute la communauté métisse. Pourtant, cette partie de l’histoire japonaise me touchait et j’avais envie de m’exprimer. La condition de in between est très problématique au Japon. Elle est l’objet de stigmatisation dans la société. J’avais cette volonté de faire exister mon témoignage de franco-japonaise.
Lorsque nous sommes arrivées dans cette région en 2011, face à ce désastre, ma mère m’annonça que ce serait peut-être notre dernier voyage au Japon.
Lorsqu’elle me proposa en octobre 2013 d’y retourner ensemble en suivant le même itinéraire, la décision de faire de ce voyage un film s’est imposée immédiatement; je pressentais en effet que cette opportunité de retourner dans cette région avec elle ne se représenterait plus.
Le tournage / le voyage
Depuis mon enfance, nous avions l’habitude de voyager ensemble dans le pays. Elle m’initiait à l’histoire du Japon.
Plus singulièrement, ce nouveau voyage prenait le chemin des traces de la disparition et de la littérature japonaise à l’époque de l’Ère Meiji, période historique où le pays a ouvert ses portes à l’Occident, ce qui marqua le début du déclin d’un Japon traditionnel, celui de l’Ère Edo auquel les japonais se réfèrent encore comme étant la marque de leur identité japonaise.
La préparation du tournage s’est faite très vite puisque nous sommes parties trois semaines plus tard, en novembre 2013. Je suis donc partie sans scénario prédéfini mais avec quelques intuitions.
L’idée était donc de tourner des images tout au long du voyage en m’intéressant à différents aspects :
Le rythme de tournage s’est donc mis en place très vite en filmant chaque jour ma mère visitant ces lieux avec une caméra subjective, puis chaque soir, en posant la caméra sous forme d’entretien ou de scènes de conversation sur ce que nous vivions, ce que nous avions vécu, et notre réflexion sur notre mémoire personnelle et commune. N’ayant pas eu le temps d’écrire un scénario, je réfléchissais chaque soir à une mise en forme pour le lendemain.
Je souhaitais faire un film sur un voyage, sur la re-visitation des lieux sinistrés, mais également sur un voyage ayant une dimension plus initiatique sur la question identitaire, la mémoire et sa transmission.
J’ai adopté le parti pris de suivre ma mère au cadre, avec cette caméra au poing. Le film s’est préparé, tourné, et pensé dans le même temps, pendant le voyage, jour après jour.
Dans cette configuration où l’intimité et le rapport de confiance entre elle et moi étaient primordiaux, ce film ne pouvait exister qu’en étant seule avec elle, de la façon dont nous avions l’habitude de voyager ensemble au Japon depuis très longtemps.
C’est cette habitude et ce rapport qui a permis au film de se faire, aux situations d’exister en exprimant la particularité du rapport qui nous anime.
Il nous fallait une caméra intime sans étranger entre nous.
C’est pourquoi, je suis partie seule, avec mon appareil et un enregistreur son.
Tout d’abord, je souhaitais utiliser une caméra subjective, pour filmer ma mère.
La seule dimension plus scénarisée est liée à la photographie et au précédent voyage que nous avons fait ensemble.
J’ai fait développer des visuels de certaines photographies prises lors de notre premier séjour en 2011. Je souhaitais tourner une conversation sur le même lieu dont sont issues les photographies, en demandant à ma mère de se remémorer notre premier voyage dans cette région et les souvenirs qui lui restent.
Ce dispositif me semblait permettre d’introduire une réflexion sur le rapport entre l’image en mouvement et l’image fixe photographique, et également sur la différence entre le muet et la présence sonore. Son témoignage tout le long de ces images qui défilent apporte une dimension personnelle sur la mémoire commune d’un évènement.
La reconstitution du même itinéraire est également un dispositif mis en place, car il m’intéressait particulièrement de suivre les traces de la disparition des ruines, mais aussi celles de notre premier voyage et de notre histoire commune.
J’ai interrogé ma mère sur ce besoin incessant qu’elle a de vouloir revenir sur ces lieux sinistrés qui ne la concernent pas directement. A travers ce processus de reconstitution de l’itinéraire du voyage, j’avais en tête cette mise en abîme, comme un rapport de miroir.
Avec cette question entêtante, s’exprimait ma propre quête de légitimité, celle d’être reconnue, celle de faire partie de ce pays comme in between.
J’ai choisi aussi de mettre en avant le goût de ma mère pour la littérature, en parlant plus particulièrement de son auteur favori, Natsume Sôseki. Notre voyage s’est peu à peu transformé en pèlerinage un peu spécial, puisque nous avons emprunté les même chemins que lui, ou ceux de ses personnages, parcourant notamment les sentiers escarpés du Mont Asô. Lieux et paysages dont il s’est inspiré pour écrire deux de ses romans, Oreillers d’herbes et Le 210e jour. Jai interrogé ma mère sur le voyage qu’il a fait en Europe, à Londres, comme si ces questions lui étaient adressées indirectement.
En effet Sôseki est resté cloîtré dans sa chambre, en pleine dépression – il était probablement atteint de ce que l’on appelle aujourd’hui le Syndrome de Paris – il passait son temps à étudier la littérature chinoise et japonaise. Cette période a fortement influencé ses textes à posteriori. J’y ai vu une projection inconsciente de ma mère que j’ai décidé d’intégrer dans mon film.
Ainsi Môippen Mama ! est d’une certaine manière le portrait entre deux d’une mère in between à travers le regard d’une fille in between. Au cours de ce voyage sur les traces de la disparition, un voyage initiatique est né à travers l’évolution d’un dialogue entre nous, qui a peiné à s’instaurer au début, mais qui, petit à petit, trouve sa place grâce à la répétition d’interviews et de conversations dans les lieux que nous avons visités, ainsi qu’aux échanges sur notre journée passée qui avaient lieu chaque soir dans la chambre d’hôtel.
Grâce à la répétition de ces questions et de ces interviews, un vrai dialogue s’est créé et a conduit ma mère à désirer me transmettre de plus en plus de choses.
J’ai décidé de la confronter à sa condition de in between et de la mettre d’une certaine façon à ma place en interrogeant son déni de reconnaissance de ma double identité. Formellement, je lui posais à titre d’exemple les questions la plupart du temps en français en lui laissant le choix de me répondre en français ou en japonais.
Dans mes questions, j’abordais le problème de la marginalisation très présente dans la société japonaise ou de l’émigration, et je travaillais la mise en scène de l’interview.
La répétition de ces interviews était nécessaire pour qu’un échange de paroles existe entre nous. Nous n’avions pas l’habitude de débattre. Notre rapport a toujours été très minimaliste, dans la compréhension d’un geste plutôt qu’une parole. Faire ce film a transformé notre lien.
Au fur et à mesure, ces interviews se sont transformées en conversations. Une parole libre est née, grâce à cette nouvelle habitude et aux sujets abordés lors des interviews. Ma mère s’est libérée, et a commence livrer sa pensée volontairement.
Je l’ai dirigée vers des questions qui m’intéressaient, puis au fur et a mesure, c’est elle qui a pris les choses en mains et qui m’emmenait là où elle souhaitait.
Le montage / L’écriture
Après avoir rapporté les matériaux pour le film, a commencé alors l’écriture de celui-ci et son montage.
L’idée principale du film était de proposer au spectateur un voyage dans un pays lointain où les modes de vie et de pensée sont différents.
J’ai voulu raconter la petite histoire de ma famille à l’intérieur de la grande Histoire, et ainsi offrir la possibilité au spectateur de partager notre voyage.
J’ai tout de suite su que je voulais un montage très elliptique, voir déconstruit et morcelé, en utilisant le leitmotiv de la catastrophe.
Ce qui m’a intéressé c’est de donner une vision de la construction d’une identité in between au milieu des catastrophes successives, et de rendre compte d’un mode de vie dans un pays où la catastrophe naturelle peut arriver à tout moment et remettre en question le mode de vie adopté.
Les films d’archives
Lors de la projection des films de mon grand-père, j’ai découvert la condition d’avant guerre de mes ancêtres, une famille plutôt riche, dont la maison a été réquisitionnée par les américains. J’ai découvert aussi une véritable proximité entre ma démarche et la sienne.
Ces films représentaient beaucoup pour moi, car je ne l’ai jamais connu et je me retrouvais subitement avec cette mémoire laissée, celle de son époque, racontant un bout de la grande Histoire (défilé militaire, catastrophes naturelles de 1934 et 1938, etc.).
En analysant ses films, j’ai réalisé qu’il avait un réel intérêt pour ce médium.
Il s’intéressait à la vie autour de lui et vraisemblablement, il se promenait en ville pour filmer en se questionnant sur la place de la caméra et le sens de ses cadres composés, tout comme sur le sens des images en mouvement.
Certains privilèges socio-économico-politiques lui ont permis de tourner des images peu communes, apportant une certaine valeur d’images rares et historiques sur le Japon. En effet, par exemple, en 1938, le gouvernement interdit de filmer toute manifestation militaire (défilés, démonstration de l’armement, etc.)
Ce budget permettra de terminer la post-production, en partie entamée (montage son).
Il permettra de louer :
Par ailleurs, si la cagnotte atteint 2500€, cela permettrait alors de financer la fabrication du support de diffusion aux normes ( DCP 2K, 5.1 ), et aiderait aussi à financer les copies DVD et frais d’inscription pour les festivals.
Plusieurs sous-titrages ont été soigneusement réalisés afin de multiplier les envois en festivals internationnaux.
Severals languages are available for the subtitles, in order to send the film to international festivals: english, spanish, french, japanese.
Cécile Friedmann vit et travaille à Paris.
Elle est réalisatrice, chef-opératrice et photographe.
Après avoir eu son diplôme à l’ Institut International de l’Image et du Son en se spécialisant en image, elle travaille sur divers projets comme directrice de la photo. ( court-métrages, publicités, vidéo clips)
En 2011, elle réalise une série photographique sur la région sinistrée du tsunami intitulée Fukai Shizukesa. Silence profond, mémoires du Japon qu’elle présente lors des rencontres photographiques du Xe à Paris.
En novembre 2013 elle retourne dans la région de Tôhoku pour tourner les images de Môippen Mama! .
En juin 2015, elle expose une série photographique à la Maison de la Culture du Japon à Paris sur la ville de Tokyo, traitant de la double identité et d la disparition.
site internet: www.chill-okubo.com
L’EQUIPE DE POST-PRODUCTION / POST-PRODUCTION TEAM :
Montage / Editing : Sarah Ternat
Montage son / Sound editing : Juliette Heintz
Mixage / sound re-recording mix: Xavier Thieulin
Etalonnage / Color-grading : Fanny Mazoyer
Sous-titrages / Translation : Marie Parde, Sarah Salavatori, Alice & Mary Kate Palmieri.
Carlotta Fiorin & Marie Luisa Diaz Puebla, Hideko Friedmann
Conception graphique / Graphic design : Léa Le Berre